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dimanche 21 décembre 2008

mes adresses pour Elsa et Brigitte

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mardi 16 décembre 2008

Suivre le Chemin de Vie

Comme les Rois Mages suivons le Chemin de de la Foi, de l'espérance et de la charité pour rencontrer Jésus et l'accueillir dans notre Vie, il est vivant sur la terre comme au ciel

lundi 8 décembre 2008

Le Mariage d'Orghillia

Souvenir écrit le mercredi 8 Février 2006

(lucienne magali Pons)


Sujet : En 1946 en Algérie, ORGHILLIA, une petite fille de 12 ans, ma compagne de jeux à la Ferme des Eucalyptus pendant les vacances, vient m’annoncer son prochain mariage avec un Touareg propriétaire de dattiers dans le Sahara, de trente ans son aîné et qu’elle n’a jamais vu. Elle voudrait s’enfuir. Toutes deux nous essayons de trouver le moyen de la faire s’échapper à ce triste sort, hélas nous échouons et ORGHILLIA toute voilée de bleu partira vers le SAHARA ou le mariage sera célébré.

LE MARIAGE D’ORGHILLIA

Vers les années 1944 une femme habillée en touareg portant voile bleu, le visage découvert, très fin à la peau brune, accompagnée d’une petite de dix ans environ, s’était présentée à la Ferme des Eucalyptus pour demander du travail à mes Parents. Il était très rare de voir en Algérie du Nord des touaregs, sinon lorsqu’ils venaient caravane avec leurs chameaux chargés de dattes du Sahara pour les commercialiser sur les marchés et repartir en suite avec des produits d’alimentation, farines, couscous, etc. Aussi l’arrivée d’Orghillia et de sa mère était un évènement inhabituel dont je ne connais pas encore à ce jour le motif que je ne connaîtrais jamais. Mes parents ont certainement dû savoir ce qu’il en était réellement, mais discrets, ils prenaient leurs décisions sans expliquer aux enfants le "pourquoi et le comment" lorsque qu’il s’agissait d’affaires qui ne nous concernaient pas.

Toujours est-il que la maman d’Orghillia fût engagée à la Ferme, installée dans une petite maison qui se trouvait dans un petit bois d’Eucalyptus, à une trentaine de mètres des bâtiments, en bordure d’une allée qui conduisait à la route vicinale qui menait vers le Douar. Mon père lui avait donné pour mission de garder un champ de luzerne de deux ou trois hectares et de lui signaler le passage des troupeaux de mouton qui passaient sur la route vicinale pour rejoindre le Marché de Maison-Carrée et y être vendus. Il était fréquent que leurs bergers s’arrêtent au bord de ce champ pour casser la galette et pendant cette pause mon père acceptait qu’ils fassent brouter leurs moutons sur le côté du champ, mais sans l’envahir, et il permettait aussi que les moutons s’abreuvent dans le grand fossé d’arrosage et parfois même, si les troupeaux venaient de loin, qu’ils s’abritent pour une nuit sous un grand hangar qui se trouvait bâti à proximité de la cour de la ferme, à droite du bassin de retenue des eaux d’arrosage (une sorte de petit barrage dans lequel se déversait presque continuellement l’eau fraiche du puits puisée par une pompe à essence, qui avait remplacé la noria traditionnelle). En principe les bergers surveillaient bien leurs moutons, et ainsi la maman d’Orghillia pouvait vaquer tout tranquillement à ses occupations.

Ma mère lui rendait souvent visite et elles se faisaient entre-elles des petits cadeaux, ma mère lui portait du fil, des aiguilles, des petits objets ménagers etc. … et en retour elle recevait quelques makrouts aux dattes ou d’autres petites spécialités telle que cornes de gazelle ou encore zalabias.

Quand à moi, les jeudis et pendant les périodes vacances je m’amusais bien volontiers avec Orguillia une ou deux heures par jour, le reste du temps je m’occupais à faire mes devoirs, à aller au catéchisme, à lire et à m’amuser avec mes frères, mais à ce moment là Orghillia suivant les consignes de sa mère ne participait pas à nos jeux, elle n’avait pas le droit de s’amuser avec les garçons.

Orguillia était très fine de visage, avec de grands yeux de gazelle, brillants, vert noisette aux reflets dorés, étirés vers les tempes, et depuis qu’elle était à la ferme, sa mère la coiffait à la mode algérienne de ce temps, c’est à dire en tirant ses cheveux noirs bleutés sur la nuque pour les former en une longue queue, recouverte de ruban, qui pendait toute raide presqu’à sa taille. Je la trouvais très jolie, nous nous amusions à sauter à la corde, à la balle, à la poupée, et peu à peu par geste, et en habituant Orghillia à parler français, nous arrivions très bien à nous comprendre et un jour Orghillia s’exprima tout a fait suffisamment en français pour que nous nous comprenions au mieux.

Or le temps passait et nous grandissions toutes deux sans trop nous en apercevoir et un jour, pendant les vacances de Pâques, alors que je me trouvais tout en haut du mimosa des quatre saisons devant notre maison, installée sur une branche providentielle qui avait une forme adaptée à une position confortable, où je passais de bonnes heures à lire mes livres préférés, j’entendis Orghillia m’appelant de dessous l’arbre et me faisant signe de descendre.

J’obtempérais immédiatement pensant qu’elle voulait s’amuser un moment avec moi. Mais d’un air très préoccupé Orghillia saisit ma main et m’entraîna pour m’asseoir à ses côtés sur un grand tronc d’eucalyptus qui se trouvait couché au sol et qui servait de banc tout près du puits.

Elle m’annonça d’emblée la nouvelle étonnante : ... écoute, Lucia, ma mère va me marier et dans quinze jours une caravane du Sahara viendra me chercher et je ne te verrais plus.

Cette nouvelle surprenante me sidéra :

- Comment tu n’a pas encore treize ans et ta mère veux te marier ?

- Oui c’est comme ça..

- Tu connais ton fiancé ?

- Non, je ne l’ai jamais vu ! C’est mon oncle du Sahara qui a tout arrangé et le facteur a porté la lettre à ton père qui l’a lu à ma mère, et elle est d’accord. C’est ton père qui a « écrit sur un papier" ce que voulait ma mère et le facteur l’a emporté.

Je me sentir saisir d’une surprise extrême. Comment mon père avait-il pu aider un tel projet en écrivant la lettre, alors qu’Orghillia était à peu près du même âge que le mien ? Une sorte d’inquiétude s’installa dans mon cœur.

- Comment peux-tu accepter de te marier sans connaître ton fiancé ?

- C’est comme ça chez nous, et je le verrai pour la première fois le soir du mariage.

J’allais de surprise en surprise :

- Et s’il était laid ? Ou méchant, ou bien .... etc.... etc. … (J’imaginais le pire), qu’est-ce que tu feras ma pauvre Orghillia ?

- Je ne sais pas, je ne pourrai pas me sauver dans le désert, je pourrais mourir de soir, de faim, mais ma mère m’a dit qu’il était riche, il possède des dattiers dans des oasis au Sahara et il a des chameaux, il habite dans la plus grande tente, c’est le chef des autres ...

- Comment ? Comment ? ... le chef des autres ? Il a quel âge ...

Je ne sais pas, mais ma mère m’a dit qu’il avait à peu près son âge à elle, qu’il était veuf et père d’une fille et d’un garçon.. Voilà c’est comme ça ! Mais moi, je ne veux pas me marier, j’ai peur.

Je me sentis cette fois toute indignée. Un vieux de quarante ans, veuf avec des enfants !

- Ce n’est pas possible, tu ne peux pas accepter, tu dois refuser !

Pour moi qui lisait avec curiosité, pour me distraire, entre deux volumes de Victor Hugo ou d’autres auteurs sérieux , des histoires à l’eau de rose écrite par Delly où l’on pouvait voir des héroïnes courtisées et ensuite aimées "d’amour" par des lords ou des princes , jeunes, beaux et riches, qui les adoraient pour l’éternité (romans que me passait en douce une des mes camarades de classe et qui me délassaient de la lecture des Misérables de Victor HUGO et autres œuvres d’auteurs célèbres au programme de la 6me,( tel qu’Homère), je me sentis toute indignée et lui déclarais avec énergie :

- Tu ne te marieras pas avec un vieux, tu es trop jeune aussi bien pour lui que pour un jeune, tu dois refuser, tu entends ? Plus tard tu rencontreras, j’en suis sure ton « vrai fiancé », tu dois refuser, dire non à ta mère, et d’ailleurs moi je vais aller voir mon père et ma mère et je vais leur dire que tu ne partiras pas d’ici pour aller te marier avec cet homme , tu es trop jeune, tu ne l’as jamais vu, tu ne te marieras pas je te le garantis !

Orghillia effrayée de ma subite intention, me fit comprendre que rien n’y ferait et qu’il valait mieux que je n’en parle pas à mes parents car si sa mère l’apprenait elle pourrait la punir d’avoir fait "des histoires".

Je me calmais peu à peu, cherchant une autre solution, mais soudain Orghillia me dit qu’elle avait une idée. Elle m’expliqua que si je voulais bien l’aider, elle se sauverait pour aller travailler comme aide ménagère dans la ville. Orghuilla n’avait vu la ville que deux fois dans sa vie ; en effet mon père m’emmenait parfois au grand Marché de Maison-Carrée et par deux fois j’avais insisté pour qu’Orghillia vienne avec nous.

- Il suffirait que tu me prête un peu d’argent pour prendre le car au Hameau des Eucalyptus.

Je réfléchis un moment, j’avais un peu d’argent de poche, le problème n’était pas là ; je la questionnais :

- Comment vas-tu faire pour trouver du travail ?

- Je ferais comme ma mère quand elle est venue ici, quand je serai dans la ville je demanderai au gens du travail ........

- Tu crois ? Tu crois que tu en trouveras ?

Orghillia me répondit d’un air désespéré :

- Il faut que je me sauve...tout de suite, tout de suite !

- Tout de suite, tu es sûre de vouloir partir ?

- Oui maintenant.

- Bon d’accord, je vais chercher l’argent dans ma chambre, attends moi à l’entrée de l’allée.

Je revins au bout d’un moment. la maison était grande, ma mère affairée ne m’avait vu ni entrer ni sortir ; j’avais pris le temps de faire une virée dans la cuisine pour prendre un morceau de pain, un ou deux fruits, et de l’eau dans une bouteille thermos, pour le voyage d’Orghillia.

Je traversais vivement le jardin et à la suite une sorte de grande place arrondie recouverte de graviers, qui se trouvait entre la maison et le début de l’allée, pour rejoindre au plus vite Orghillia, et nous nous engageâmes toutes deux sans réfléchir sur l’allée romaine bordée d’oliviers qui menait à la route nationale. Cette allée d’environ huit cent mètres, se terminait par deux grands palmiers de chaque coté et donnait accès à la route départementale.

Arrivées là, Orghillia me demanda de l’accompagner jusqu’au Hameau des Eucalyptus ou le car s’arrêtait et chargeait les voyageurs pour Maison-Carrée. Cela faisait à peu près deux bons kilomètres à parcourir. Je n’osais pas refuser pour ne pas la peiner, mais je savais parfaitement que je désobéissais en allant sans être accompagnée par un adulte sur la route départementale. Mes parents nous l’interdisaient formellement. J’enfreignais donc cette interdiction et désobéissais la mort dans l’âme, persuadée qu’il fallait sauver Orghillia.

Nous avions fait à peu près un kilomètre et venions de dépasser l’entrée de la ferme de nos voisins, la route départementale bordée de très haut Eucalyptus, allait sous le ciel bleu, comme un large ruban gris tout droit devant nous jusqu’au Hameau dans le lointain, quand soudain j’aperçus à l’horizon fonçant dans notre direction trois motos side-car qui ne tardèrent pas à se trouver à notre hauteur.

L’une des motos s’arrêta, un gendarme en descendit fit signe à ses collègues de stopper au bord de la route et de l’attendre, puis il s’avança vers nous. C’était mon oncle qui appartenait à la Brigade de gendarmerie de Maison-Carrée qui se trouvait devant moi ! Je crus que la foudre venait de tomber à mes pieds.

Ou vas-tu comme ça ? Ou allez-vous toutes les deux toutes seules... qu’est-ce que tu fais sur la route ?

Sous le feu de ses questions je n’en menais pas large...mais prenant un air naturel et innocent j’eus une réponse toute simple :

On se promène......comme d’habitude.

Comme d’habitude ?...Sur la route ?... tu sais bien que c’est dangereux, vous auriez pu être attaquées par des bandits. Allez, venez, montez dans le side-car je vais vous reconduire à la Ferme.

Aussitôt dit, aussitôt fait nous fûmes reconduites "manu militari" en un quart d’heure devant la maison. Il n’y avait pas à discuter.

En arrivant, nous trouvâmes ma mère en train d’examiner l’horizon à notre recherche et qui fût toute surprise de nous voir débarquer du side-car de son frère.

Elles étaient sur la route nationale, se promenant soi-disant comme d’habitude, informa mon oncle.

Comme d’habitude ? J’en parlerai à son père, on réglera ça à son retour. Toi Orghillia va chez toi, ta mère doit s’inquiéter, je lui en parlerai aussi.

Je compris que ma mère ne voulait pas régler le problème devant mon oncle, elle l’invita à déjeuner, mais il était en mission et regretta de ne pouvoir rester.

Orghillia s’était enfuie en courant vers sa maison. C’est la dernière fois que je l’ai vu. En effet sa mère ne la laissa plus sortir dehors elle était maintenant promises en mariage et n’était plus considérée comme une enfant, elle devait se plier aux coutumes, et quand j’allais tourner autour de sa petite maison, sa mère me faisait comprendre que je devais retourner chez moi « vas t’en , c’est pas la peine de venir voir Orghillia, ta mère a dit que tu dois pas venir lui donner des mauvaises idées »

Quelques semaines après les femmes du douar un beau matin se rassemblèrent chez la mère de la promise. Dans la matinée arriva une caravane de touaregs avec leurs chameaux. Ils ne restèrent pas longtemps à la ferme. En début d’après-midi, je vis sortir de la maison un homme qui tenait dans ses bras une forme entièrement recouverte d’un voile bleu. Je devinais que c’était Orghillia qui partait pour ses noces au Sahara. L’homme, probablement son oncle, la chargea sur un chameau, et la caravane s’ébranla accompagnée des youyous stridents des femmes du Douar. Je me sentis impuissante et mon cœur se serra.

Sa mère était du voyage. Je ne les ai jamais revu, ni l’une ni l’autre, et trois années passèrent, sans aucune nouvelle. Mais un jour le facteur porta une lettre à la ferme, ma mère l’ouvrit. et la parcourue rapidement :

« Orghillia vient de donner naissance à un petit garçon, elle doit avoir seize ans maintenant, c’est bien jeune pour avoir un enfant, mais c’est ainsi chez eux, ce sont leurs traditions et coutumes, nous ne pouvons pas leur imposer les nôtres » « et je le regrette bien ! », ajouta-t-elle.

Je n’avais rien à dire ni à répondre. Orghillia venait d’avoir un bébé ; je commençais moi-même à devenir une vraie jeune fille, mais je ne m’imaginais pas alors que quelques trois ans plus tard je me marierais moi aussi, mais bien entendu à la mode de chez nous, c’est-à-dire en acceptant moi-même mon futur époux.

lundi 25 août 2008

Juliette était dans sa 18me année













de Lucienne Magalie Pons à Juliette


le 6 septembre 2008 lettre à Juliette... Ta vie terrestre et Tes rêves comme vivent les roses n'ont vécu que l'espace d'un matin . Les roses aujourd'hui dès l'aube naissante ont versé pour toi Juliette, en signe de dernier adieu, des larmes de rosée scintillantes comme des diamants, en souvenir de tes jours si brefs . Dans une parfaite communion d'amour et de joie familiales, tu vivais avec tes parents, et frères et sœur, mais ton ange est venu pour accompagner ton dernier voyage. Et ta famille, et tes amis sont dans la douleur.

Juliette, je ne te connaissais que par l'intermédiaire de mes enfants qui sont des amis de tes parents et qui m'ont parlé de toi pour m'annoncer ton décès, mais j'ai vu ton image envoyé par un ami, , en photo sur mon PC, une présence affirmée, un visage fin, une expression de ferme douceur, une radiation discrète de joie et ce regard intelligent et profond ouvrant ton âme sereine sur la vie ... Je ne peux oublier ton visage en écrivant ton prénom, Juliette, il se présente à mes yeux. Et j'ai le sentiment de t'avoir connu depuis toujours. Je ne suis pas venue par discrétion lors de ta cérémonie de dernier adieu, je ne connaissais pas tes parents, et il y a des circonstances où la douleur ne peut se partager qu'entre très proches Je ne connaissais pas ta religion, et je ne la connais pas encore. Mais depuis l'annonce de ton départ, j'avais fait pour toi une place dans mes pensées, et le jour de ta cérémonie d'adieu, j'ai prié avec foi dans la paix et la compassion de mon cœur, pour que tu soies heureuse dans l'éternité revêtue de ton âme de lumière. Adieu Juliette.









dimanche 8 juin 2008

Le Chant du Rossignol



Auteur : Lucienne Magalie PONS (2007)

Série : Nouvelles et Contes de mon jardin

Une vigne jeune et vigoureuse grimpait du côté droit de la fenêtre de la chambre de Luscine. Il arrivait souvent qu’un petit rossignol la nuit vienne s’y poser pour siffler sa chanson. Cela ne manquait pas de réveiller la petite fille qui l’écoutait alors avec ravissement un petit moment avant qu’il ne s’envole dans le jardin sur d‘autres plantes grimpantes ou sur les branches d’un arbre. Mais une nuit alors qu’elle dormait paisiblement, le chant du petit rossignol s’éleva de plus en plus fort sans s’arrêter à tel point qu’au bout d’un moment elle décida d’ouvrir les vitres et de replier les persiennes pour voir ce qui se passait. Le bel oiseau s’égosillait de plus en plus, d’après la provenance du son elle le situait sur l’une des ramures de la vigne mais n’arrivait pas à le voir. La nuit avec une lune voilée de nuages était sombre et le dissimulait à son regard, elle alla chercher une petite lampe de poche dont elle se servait souvent pour lire « en cachette » avant de s’endormir et dirigea la lampe sur la vigne. Elle le vit enfin posé sur une branche à mi-hauteur de telle sorte qu’en se haussant sur la pointe des pieds et en étirant son bras elle pouvait le saisir. Le jeune Rossignol surprit par la lumière redoubla ses cris en restant interdit sans plus bouger. C’est étonnant qu’il ne s’envole pas pensa Luscine, je pourrais le prendre peut-être au creux de ma main pour le caresser, son plumage parait doux comme du duvet, mais je ne veux l’effrayer davantage, et si je lui parlais pour le rassurer, avant de l’approcher ? se dit-elle.

- Petit Rossignol ton chant est mélodieux, n’aies pas peur de moi, je ne te veux aucun mal, je voudrais tout juste te cueillir comme une fleur et caresser au creux de ma main ton doux plumage, puis je te relâcherai, ne bouges pas petit Rossignol, je vais approcher ma main doucement, doucement !

Et ce disant elle tendit ses petits doigts et les referma délicatement sur les pattes de l’oiseau qui se mit à redoubler cette fois de cris terreur en agitant ses ailes pour tenter de s’échapper. En essayant de le ramener elle se rendit compte que l’une de ses pattes était prisonnière d’une vrille de la vigne et qu’il ne pouvait la dégager de lui-même.

Elle était vraiment mal placée du bas intérieur de la fenêtre pour le délivrer et décida de monter sur son rebord assez large qui ne présentait aucun danger. Sitôt fait elle se trouva à hauteur de l’oiseau tenta de dévriller la patte prisonnière mais sans y parvenir au risque de le blesser. Elle sauta prestement dans la chambre et sortit d’un petit tiroir un minuscule ciseau d’argent qu’elle utilisait pour apprendre à broder et se replaçant sur le bord de la fenêtre coupa adroitement la vrille, aussitôt le rossignol libéré cessa de chanter et s’envola dans la nuit. Mais dans cette opération le petit ciseau était tombé au pied de la fenêtre à l’extérieur, elle descendit vivement pour le ramasser et quelle ne fut pas surprise de trouver endormie sur le sol, Terésina la vieille chatte sourde qui dormait sur le côté les pattes étendues.

La chatte sourde se réveilla brusquement en hérissant ses poils.

- Ah te voilà contrariée, Terésina, n’aies pas peur c’est moi, heureusement que le chant du Rossignol ne t’as pas réveillée, tu aurais été capable de le manger tout cru ! mais tu es sourde et c’est bien la première fois que je ne le regrette pas !

La vieille chatte qui n’entendait plus depuis longtemps l’observait et dans la nuit ses yeux phosphorescents brillaient comme des opales vertes.

L’enfant remonta dans sa chambre ferma soigneusement les persiennes et les vitres, puis avoir replacé le petit ciseau d’argent elle se blottit dans son lit, se rendormit bien vite pour se plonger dans un rêve.

En songe elle se trouva dans un grand jardin où sur un rosier se trouvait le petit rossignol qui chantait encore a tue tête mais cette fois joyeusement et miraculeusement son chant lui était compréhensible, voici ce qu’il chantait :

- Cette nuit sous la lune voilée , moi le petit Rossignol, je me suis posé sur un cep de vigne et me suis endormi, au bout d’un moment je me suis réveillé, mais une méchante vrille s’était enroulée très fort autour de ma patte, je ne pouvais seul me libérer tant son emprise était forte, mais une petite fille m’a délivré, et désormais c’est pour elle que je viendrai chanter tous les jours et toutes les nuits dans ce jardin en prenant soin de ne plus me poser sur une plante à vrille

Dans son rêve la petite fille se mit aussi à chanter :

- Sans mes petits ciseaux d’argent je n’aurai pu te délivrer gentil rossignol, désormais chaque fois que je broderai je penserai toi, je broderai une vigne et ses vrilles pour la rendre prisonnière de mon canevas, et la vraie vigne évites là désormais, tu viendras te poser sur le rebord de la fenêtre la nuit pour me ravir de tes trilles sans aucun danger, promets le moi !

- Je te le promets pendant la saison toute les nuits je chanterai pour toi sur le rebord de ta fenêtre et tous les jours sur le rosier dans le jardin.

Puis le rêve se termina, la petite fille se retourna un peu sous ses draps puis se rendormit aussitôt.

Le lendemain matin après son petit déjeuner Luscine alla chercher son canevas, ses fils de soie vert et marron et se mit tout aussitôt à l’ouvrage, elle commença par broder les ceps bruns, puis le deuxième jour elle broda les vrilles vert tendre, puis le troisième jour commença à broder les feuilles vertes foncées à nervures brunes , ce travail avant d’être terminé lui demanda toute une semaine, et pendant tout ce temps elle n’entendit plus le jour ni la nuit le chant du Rossignol.

- Pourquoi ne chantes-tu plus petit Rossignol, tu me l’avais promis dans mon rêve et depuis une semaine je ne t’ai même pas vu voleter dans le jardin ! Où est-il parti ? se dit-elle en rangeant son ouvrage terminé.

Quelle ne fut pas sa surprise la nuit suivante d’entendre le chant de l’oiseau sur le bord de la fenêtre et le jour suivant de nouveau dans le jardin, et ce concert se poursuivit tout au long de la saison. Pour le remercier la petite fille ne manquait jamais tous les soirs avant de fermer ses fenêtres de déposer sur le rebord des graines de millet.

Quelques années plus tard Luscine atteignit ses dix huit ans. C’était maintenant une belle jeune fille svelte, son visage au teint de rose, son sourire agréable, ses beaux yeux bleu vert, ses cheveux blond vénitien, son pas vif et décidé qui accentuait son allure élégante faisaient l’admiration de tout le voisinage et de nombreux jeunes gens des alentours soupiraient d’amour sur son passage. Aucun d’entre eux encore n’avait osé se déclarer et la demander en fiançailles. Elle ne s’en plaignait pas, toute son attention se portait aux « études », elle voulait devenir ornithologue ; depuis plus de deux ans déjà Albine passait son temps à suivre des cours à la Faculté et quand elle se trouvait en vacances dans la propriété de ses parents elle ne manquait jamais de passer deux ou trois après midi par semaine à se promener dans les bois avoisinants pour observer les oiseaux de toutes espèces en prenant soin de noter toutes ses découvertes. Le soir elle se plaisait à lire ses notes à ses parents et entre eux s’ensuivaient des conversations où chacun essayait d’approfondir la question en consultant des livres spécialisés. Ce sujet la passionnait, elle y consacrait beaucoup de temps qui pour elle passait trop vite et quand ses amies et amis l’invitaient pour la distraire et l’emmener au bal ou au cinéma, elle ne pouvait s’empêcher de les faire attendre quelques jours avant de se décider à laisser pour quelques heures ses chères études.

Or par un bel après midi de Printemps elle décida de faire une promenade dans les bois avant d’aller rejoindre pour la soirée Pierre un de ses amis qui se désespérait de ne pas la rencontrer assez souvent.

Elle prit un grand chapeau de paille blanche, son carnet de notes et un crayon finement taillé et d’un pas agile, sa large jupe virevoltant autour d’elle, traversa le jardin et les champs pour atteindre un grand bois, presque une petite forêt, qui se trouvait au-delà d’un fleuve à plus d’un kilomètre de la propriété. Sur son chemin elle croisa quelques lapins de garenne qui détalèrent à son approche, puis enfin elle arriva au pont qu’elle traversa sur toute l’étendue du Fleuve pour enfin arriver au bois et en y entrant elle ressentit l’impression d’entrer dans son véritable monde.

A l’instant même elle entendit le chant d’un Rossignol qui la dirigea à environ 200 mètres en profondeur du bois et se trouva au pied d’un grand arbre ou à sa grande surprise elle trouva un jeune homme, étendu sur un tapis d’herbes et de feuilles, qui lui parut endormi. Elle s’approcha prudemment pour voir s’il dormait vraiment. Il dormait en effet et elle se demanda si elle devait partir sans le déranger ou le réveiller, mais il lui sembla qu’il gémissait par moment dans son sommeil et elle ne put s’empêcher de s’inquiéter. Il est peut-être malade ou blessé, je dois le réveiller se dit-elle et aussitôt elle s’approcha, se pencha et passa sa main sur le front du dormeur ; Il était en tenue de chasse et portait une abondante chevelure brune bouclée qui couronnait son visage au teint légèrement mat. Ses paupières fermées sur de longs cils noirs frémissaient légèrement. Au contact de sa main il ouvrit tout grand de magnifiques yeux bleu d’azur encore ensommeillé, mais elle le réveilla tout à fait en poussant un cri de surprise :

- Pierre c’est vous ! Bonjour, mais que faites-vous là étendu sous cet arbre ? Je vous ai entendu gémir dans votre sommeil, que se passe- t-il ?

Pierre était son ami, le fils d’un des propriétaires voisins, à la vue de la jeune fille son visage s’anima et il répondit enfin désignant sa cheville gauche :

- Bonjour Luscine , comme je suis heureux de vous rencontrer , ce matin vers onze heures alors que je rentrais de la chasse, je me suis tordu la cheville en butant sur une souche de vieille vigne sauvage, je suis tombé et quand j’ai voulu me relever je n’ai pu me tenir sur mes pieds, mon pied gauche me faisait souffrir atrocement, alors je me suis allongé pour me remettre en attendant que quelqu’un passe me porter secours et puis finalement mes douleurs se sont un peu calmées, sauf quelques lancements de temps en temps, et j’ai fini par m’endormir en écoutant chanter le Rossignol.

- Mais c’est très grave, vous auriez pu rester longtemps seul et sans soins, vite, vite, je dois vous assoir contre le tronc de cet arbre, vous serez mieux installé, et ensuite j’irai immédiatement chercher le sulky de mon père pour vous conduire au village chez le médecin.

Elle l’installa contre le tronc de l’arbre et avant de partir banda sa cheville au moyen de l’écharpe blanche du jeune homme qui était de trois ans son aîné.

Avant qu’elle ne parte le chant du Rossignol reprit de plus bel, leurs regards se croisèrent comme deux flammes ardentes et Pierre la retenant légèrement par le poignet soupira en la regardant tendrement :

- Il chante parce que c’est le temps des amours, il cherche et appelle une compagne, Ah ! Que ne puis-je comme le Rossignol chanter pour trouver mon amour ! Si je chantais ce ne serait que pour vous …. Viendriez vous vers moi, m’accepteriez vous comme votre fiancé ?

Luscine troublée et émue s’entendit lui répondre :

- Je suis là Pierre si proche de vous, depuis que nos regards se sont croisés je sais que je suis votre fiancée depuis la nuit des temps.

Elle se pencha vers lui et chastement ils échangèrent leur premier baiser du bout des lèvres.

Sur la plus haute branche le Rossignol s’était tu, il venait lui aussi de trouver une compagne.

Puis elle s’en alla bien vite pour chercher le sulky et le conduire chez le Médecin.

Au mois de Juin alors que l’été venait de commencer ils célébrèrent leur fiançailles officielles à la grande joie de leur famille. Deux ans après alors que Luscine venait d’obtenir son diplôme d’ornithologue et que Pierre terminait ses études de médecine, ils décidèrent de se marier et de s’installer dans une grande ville.

Luscine devint une réputée conférencière et Pierre un bon médecin. Comme tous les gens heureux ils eurent beaucoup d’enfants, mais jamais d’oiseaux en cage. Un de leur grand plaisir était de venir passer leurs vacances dans les propriétés de leurs parents et d’en profiter souvent pour se promener dans le bois pour écouter chanter le Rossignol.

jeudi 6 mars 2008

Roses des Sables


















Série : Nouvelles et Contes de mon jardin

« Mignonne, allons voir si la rose ……Qui ce matin avoit désclose ….. Sa robe de pourpre au Soleil … A point perdu cette vesprée … Les plis de sa robe pourprée … Et son teint au vostre pareil … » récitait Lucile en se promenant dans la roseraie. Elle venait d’apprendre ce poème de Ronsard et le répétait en admirant les rosiers tout en suivant les conseils de son institutrice qui désirait que tous les enfants de la classe le récite sans faute en chœur , en ouverture de la fête des écoles, qui devait avoir lieu dans quelques jours avant la fin des classes, la veille des grandes vacances.

Les roses rouges de juin étaient en pleine floraison et exhalaient sous le chaud soleil leur parfum suave.

- Ah belles roses ! Belles fleurs ! … Je voudrais tant vous cueillir, mais mes parents me l’ont interdit et je dois leur obéir. Ce sont eux qui choisissent les plus belles d’entre vous pour les offrir à nos voisines et à Monsieur le Curé. Et puis au fond ils n’ont pas tort, je me méfie des épines de vos tiges qui sont là pour protéger votre beauté !

Luscine tout en suivant les allées de la Roseraie trouva un banc de pierre et décida de faire une pause. Puis elle prit dans sa poche un carnet et un crayon et se mit à écrire :

Ode à Flora, Déesse des Fleurs

Je voudrais que les roses ne meurent

Et s’épanouissent toujours belles

Qu’en leur jeune âge elles demeurent

Et deviennent immortelles

Mais las !, ces éphémères beautés

Par l’air et le soleil flétrissent

Oh Flora déesse des fleurs, fais

Par tes pouvoirs qu’elles ne périssent !

Belle Déesse aux dons supérieurs

Obtiens pour nous de la nature

Une Rose qui ne fanent ni meure

Eternelle dans sa parure

Si tu exauces mon souhait

Je choisirais cette immortelle

Comme symbole de beauté

D’amitié et d’amour fidèle !

A ce moment de son écriture arriva dans le jardin une petite fille du voisinage qui se prénommait Ouardia ( Rose) portant sur son épaule un petit sac rempli de ces trésors que les petites filles transportent avec elle comme des talismans qu’elle ne montre qu’à leur amie préférée.

- Bonjour Lucile, je te cherchais pour m’amuser avec toi, mais avant cela regarde ! Je

veux te montrer mes nouveaux trésors secrets !

- Bonjour Ouardia, c’est une bonne idée, viens allons nous installer à l’ombre des grands arbres, il fait trop chaud ici en plein soleil.

- Un peu plus tard, Lucile, restons sur ce banc un moment, je vais te faire admirer un trésor qui ne prend son éclat qu’en pleine lumière !

Ouardia s’assit près d’elle sur le banc de pierre et sortit de son petit sac une Rose des sables de couleur ocre doré parsemé de minuscules morceaux de quartz transparents, qui sous les rayons du soleil brillaient de milles feux.

- Oh c’est merveilleux, dit Lucile, je n’ai jamais vu un si beau trésor, on dirait une Rose par sa forme mais elle est très dure comme une pierre cristallisée et de plus incrustée de brillants, ou l’as-tu trouvée ?

- Ce n’est pas moi qui l’ai trouvé, c’est un souvenir, mon père va quelques fois au Sahara pour y livrer avec son camion du Blé et du couscous aux Touaregs et encore bien d’autres choses dont ils ont besoin dans ce grand désert qu’ils parcourent sans cesse avec leurs chameaux , ne s’arrêtant qu’aux Oasis pour s’y établir quelques jours et récolter des dattes sur les grands palmiers autour ce ces points d’eau. Au retour mon père revient avec des cargaisons de dattes qu’ils leur achètent pour les revendre ici sur les marchés et toujours des cadeaux pour nous. Hier il est rentré et a sorti des poches de sa gandoura trois Roses des Sables en me disant « Petite, voila pour toi deux Roses, je garde la troisième pour ta mère. Ces Roses immortelles sont nées il y a plusieurs millénaires dans le sable du Désert mais sont toujours vivantes, elles ont connu des millions de tempêtes de sable et sont toujours aussi belles. Tu en garderas une Ouardia et tu donneras l’autre à ton amie Luscine, gardez les précieusement en signe d’amitié, avec elles vous traverserez toutes vos saisons et garderez comme elles votre beauté »

- Ton père est bien savant Ouardia, tu le remercieras pour moi

- Je n’y manquerai, oui mon père est savant, il a étudié à la Médersa d’Alger quand il était jeune et puis il écrit aussi des poèmes quand ses affaires lui laissent un peu de temps, mais plus tard il donnera son entreprise de transports et son commerce à mon frère aîné et deviendra Marabout pour remplacer mon Grand-père.

Tout en parlant, Ouardia fouillait dans son petit et finit par en sortir la deuxième Rose des Sables tout aussi belle que la précédente.

- Voilà, c’est pour toi mon amie ! Veux-tu l’accepter comme un gage immortel d’amitié et de beauté ?

- Oh Merci Ouardia, tu viens de réaliser mon vœux ! je viens d’écrire une poésie ou je parlais de Rose et j’implorai la Déesse Flora d’obtenir de la nature une rose de beauté immortelle ! Tu vois c’est comme un signe Ouardia pour nous dire que notre amitié est belle, immortelle et solide comme ces Roses des Sables !

Lucile détacha soigneusement du carnet la page de poésie qu’elle venait d’écrire et avant de l’offrir à Ouardia elle la lui dédicaça en écrivant ces mots :

- Ouardia la plus belle des Roses sera éternellement mon amie, et elle signa en ajoutant « de la part de Lucile ton amie pour toujours »

- Merci Lucile, pour moi aussi « tu resteras mon amie pour toujours »

Cinq années passèrent, chacune des petites amies grandirent dans une amitié qui se consolidait chaque jour, bientôt Ouardia atteignit comme Lucile ses 12 ans et ne vint plus dans le jardin retrouver son amie car selon ses traditions familiales c’était pour elle l’âge de ne plus sortir seule et de rester chez elle sous la surveillance de sa mère. Lucile de son côté partit en pension dans la Ville pour étudier chez les petites Sœurs de Saint Vincent de Paul. Dans les deux ans qui suivirent chaque fois que Lucile rentrait pour passer les vacances chez ses parents, elle ne manquait jamais d’aller rendre visite à son amie Ouardia. Elles étaient heureuse de se retrouver et assises toutes deux en tailleur sur les somptueux tapis qui ornaient la demeure du Marabout, elles se racontaient les évènements de leurs vies si différentes et pourtant si proche en amitié indéfectible. Lucile lui décrivait l’animation de la Ville, les grands magasins, les squares ombragés, les statues, le grand port, les navires, et Ouardia lui parlait de son jardin et de sa vie en famille, de tout ce qu’elle apprenait de sa mère pour se préparer à devenir bientôt une mariée, car son mariage était déjà prévu et devait se célébrer dans l’année de ses quatorze ans. Chaque fois qu’Ouardia lui parlait de son proche mariage Lucile se retenait de pleurer pour ne pas attrister son amie. Elle savait que le futur mari habitait dans une région très éloignée et que selon la coutume Ouardia irait vivre dans sa belle famille et qu’elle ne pourrait plus la voir souvent.

Et c’est ainsi que cela se passa. Un beau jour en rentrant chez parents pour les grandes vacances elle apprit que le mariage d’Ouardia venait d’avoir lieu et qu’elle était partie pour toujours dans un grand cortège aux sons des raïtas (hautbois), des flûtes et des derboukas (tam-tams algérien)

Cette nouvelle l’attristait et souvent elle allait s’assoir sur le banc du jardin emportant dans sa main la Rose des sables et la faisant briller aux rayons du soleil elle murmurait « Mon amie Ouardia, je ne t’oublierai jamais, je te le promets et quand je serais assez grande pour conduire la voiture je viendrai te rendre visite pour te prouver mon amitié fidèle ».

La maman de Lucile tentait de la consoler en lui expliquant que dans les familles musulmanes les filles se marient très jeunes, que c’est une obligation et un honneur pour les familles de respecter leurs coutumes et traditions, que les filles elles-mêmes étaient très fières d’être mariées très jeunes. Mais elle ne pouvait s’empêcher d’ajouter « Nous n’y pouvons rien, je le regrette bien, mais c’est ainsi et ce sera ainsi sans doute encore longtemps » Mais Lucile ne put jamais se convaincre à ces explications et elle pensait que plus tard elle militerait pour la liberté des femmes musulmanes.

Puis quelques mois plus tard elle apprit qu’Ouardia était déjà mère et parfaitement heureuse dans sa belle-famille.

Quelques années après vint le temps de la majorité de Lucile , elle passât alors très vite son permis de conduire et sans plus tarder partit un beau matin au volant de sa voiture pour rendre visite à son amie Ouardia qu’elle avait prévenu par une lettre dans les jours précédents ; il fallait plus de trois heures de route pour relier Alger la Blanche de Aïn El Hammam (Michelet) village perché sur le plus haut sommet de la montagne du Djurdjura où vivait Ouardia dans sa belle-famille. Partie à huit heures du matin Lucile après un long parcours arriva enfin vers midi devant une grande propriété entourée de grands arbres et d’un mur d’enceinte couronné au sommet de céramiques vertes. Les habitants du village lui avait désigné cette propriété comme la maison de son amie, située tout au commencement d’une route qui se dirigeait vers le Col de Tirourda. Elle stoppa sa voiture et à pas vifs se dirigea vers la grande porte de bois cloutée de cuivre au devant de laquelle se tenait un serviteur qui guettait son arrivée. Il la salua et du geste l’invita à le suivre.

A sa suite elle pénétra dans un grand jardin planté de cerisiers, de citronniers, de cèdres, d’orangers et de grenadiers, sous lesquels s’épanouissaient des roses et des fleurs, entourées de plate bandes de menthe , de verveine et de lavande ; tout au milieu se trouvait un grand jet d’eau , ses gerbes montaient très haut pour ensuite en courbe de perles chatoyantes redescendre dans un bassin rond, un peu plus loin une fontaine laissait couler un filet d’eau claire, des oiseaux allaient de part et d’autre voletant et gazouillant, quelques chats se promenaient dans les allées et deux chiens paisibles dormaient d’un œil, étendus devant leur niche. La grande maison bâtie en demi-cercle s’ouvrait en arcades sur le jardin, des bougainvilliers grimpaient tout autour ; pénétrant sous l’une des arcades le serviteur guida Lucile vers son amie qui l’attendait dans un grand salon garni de somptueux tapis, recouverts par endroit de coussins tissés de laines aux vives couleurs, et de tables basses. Ouardia se tenait très droite et à la vue de son amie elle s’avança les bras ouvert pour l’accueillir. Les deux amies très émues s’embrassèrent.

Puis toutes deux s’installèrent assises en tailleur sur le tapis central autour d’une table basse. Ouardia claqua légèrement dans ses mains, une servante qui se tenait près d’une porte intérieure arriva tout aussitôt pour les servir et bientôt les mets les plus raffinés se présentèrent à leur gourmandise. Il y avait là de quoi satisfaire les palais les plus délicats Puis quand la servante se fut retirée elles se mirent à parler entre elles sans arrêt, elles avaient tant de choses à se dire depuis 7 ans qu’elles n’avaient pu se voir.

Ouardia lui racontait sa vie de jeune femme, la naissance de ses trois enfants et lui apprenait leurs prénoms en les traduisant, d’abord l’ainé un garçon Ameqran (l’aîné), ensuite une fille Tadjeddit (la Fleur), et le dernier né Amêzyan (le cadet) ; elle espérait avoir encore un autre garçon et savait déjà qu’il se prénommerait Amzîn (le petit).

Lucile lui parlait de sa vie à Alger de ses études, de ses distractions, de l’opéra, du Cinéma et toutes choses et plaisirs qu’Ouardia ne connaîtrait jamais. Elle lui décrivait aussi les plages et les environs d’Alger, les bains de mer, les sorties en barques, les parties de pêches et dans les forêts les parties de chasse. Ouardia avait d’autres distractions qui consistaient en en fêtes de famille, mariages, baptêmes, principalement, et aussi en grandes fêtes religieuses. Il ne lui déplaisait pas que Lucile lui parle de la vie à l’extérieur et de sa liberté, mais elle se demandait comment Lucile pouvait vivre sans se perdre dans ce qui lui paraissait un tourbillon.

A la fin de leur collation, Ouardia claqua une deuxième fois dans ses mains, cette fois deux servantes arrivèrent l’une après l’autre, la première débarrassa promptement la table basse et la deuxième tout aussitôt déposa dessus un plateau chargé d’une théière fumante et de petits verres colorés.

Le soleil avait tourné et le salon devenait obscur, Ouardia alluma la mèche d’une lampe en cuivre qui se trouvait près d’elle sur une petite table ronde recouvertes de mosaïques, en minuscules losanges vernis de couleurs vertes et blanches et soudain Lucile remarqua au pied de la lampe sous l’effet de la lumière un scintillement qui accrocha son regard et elle reconnut aussitôt l’une des Rose des sables qu’elles avaient choisies, dans leur lointaine enfance, comme gage immortel de leur amitié.

Alors Lucile plongeant la main dans son sac en ressortit la deuxième Rose des sables qui ne la quittait jamais, et toutes deux émues au bord des larmes se retrouvèrent en pensée sur le banc de pierre dans la roseraie qui abritait autrefois leurs jeux et leurs rêves d’enfants.

A ce moment là rentrant de promenade avec une servante, les enfants d’Ouardia firent irruption dans le salon. Ce fut alors un vrai moment de bonheur. Le dernier né Amêzyan 9 mois ne marchait pas encore, mais l’aîné Ameqran et la fille Tadjeddit déjà grands de 6 et 4 ans, ne cessaient de se poursuivre gentiment en tournant autour des tapis ; Ouardia les présenta tous trois à Lucile qui les trouva ravissants et elle prit dans ses bras pour le bercer un peu le petit Amêzyan

Ouardia était fière autant de ses enfants que de sa maternité féconde et elle ne put s’empêcher de questionner son amie :

- Et toi Lucile quand donc tes parents vont te marier ? , regarde comme c’est beau les enfants !il faut leur dire qu’ils se pressent pour te trouver un mari ainsi toi aussi tu auras des enfants, une famille à toi

- Ce n’est pas comme ça que ça se passe chez nous, nous choisissons le plus souvent notre mari sans que nos parents interviennent, bien sûr ils peuvent nous orienter et donner leur avis, mais c’est nous qui décidons, en toute liberté si nous sommes majeures, mais si nous sommes mineures ils doivent donner leur accord. Mais il ne suffit pas de choisir encore faut-il aimer et que ce soit réciproque, c’est d’ailleurs pourquoi je ne suis pas encore mariée, je suis trop difficile

- Aimer ? répondit Ouardia, ça vient avec le mariage, pour moi en tout cas c’est venu après mon mariage, de jour en jour …

- Alors tu es heureuse et amoureuse ?

- Oui, répondit Ouardia, je suis heureuse mon mari m’aime et me respecte, nous avons de beaux enfants, nous sommes heureux dans notre famille.

Mais elle n’avait pas prononcé le mot « amoureuse » cela faisait partie des légendes, mais dans la réalité ce sentiment lui paraissait contenir mille pièges dangereux pour une jeune femme mariée, aimée, respectée et mère de famille.

Le temps de partir arriva pour Lucile, en quittant Ouardia elle savait qu’elle reviendrait et qu’elle serait toujours bien accueillie chez son amie, mais elle savait aussi avec un pincement de regret et de tristesse au cœur qu’Ouardia ne pourrait jamais venir à ALGER chez elle lui rendre visite , ce n’était à l’époque ni permit ni toléré qu’une jeune femme musulmane puisse circuler librement.

- Cela n’est pas dans leurs coutumes et traditions et je n’y peux rien hélas se dit Lucile ! Mais elle est heureuse et aimée, elle à de beaux enfants, une famille c’est l’essentiel.

Puis elle reprit sa route en pensant à la merveilleuse journée d’amitié qu’elle venait de vivre .

Trouver un mari n’était pas à son ordre du jour, elle était passionnée par ses études de gemmologie et savait que plus tard ses recherches dans le monde entier lui prendrait beaucoup de temps et elle rêvait de voyages lointains dans des sites merveilleux, au Sahara d’abord, ensuite dans les pays d’Afrique. Cependant un an après, parcourant le Sahara dans le cadre d’une mission d’études qui regroupait des étudiants gemmologues et géologues, elle se vit offrir par Pierre, l’un des participants, une rose des sables qu’il venait de découvrir dans les sables du désert.

- Voici une merveille de la nature, elle est pour vous, comme la lumière elle est éternelle et brillera toujours ! N’est pas magnifique ?

- Oui la nature fait de bien belles choses, Merci Pierre, je suis ravie de votre attention ; j’ai déjà un Rose des sables qui m’a été offerte autrefois par une amie d’enfance et nous l’avions consacré comme gage immortel de notre amitié. Et cette Rose des Sables que vous m’offrez et que j’accepte de tout mon cœur, quel sera son gage ?

- L’avenir nous le dira, si vous consentez à m’entendre elle deviendra le symbole de notre amour fidèle et éternel !

Lucile leva les yeux avec surprise et son regard plongea dans les yeux bleus du jeune homme comme dans un lac de fraicheur sous le soleil brûlant. A cet instant même elle l’aima comme il l’aimait et sans un mot ils découvrir leur amour réciproque avec la certitude qu’il existait depuis la nuit des temps, se révélait dans le présent et vivrait éternellement dans leur futur. Leurs mains se joignirent sur la Rose des Sables et côte à côte, tendrement unis ils entrèrent dans le Paradis de leur amour. Quelques temps après ils se marièrent, et comme nous le savons « les gens heureux n’ont pas d’histoire »

Ainsi la Déesse FLORA avait exaucé les vœux de Lucile et tout au long de sa vie chaque fois qu’une Rose des Sables lui était offerte elle savait qu’un évènement heureux prenait place sur le chemin de sa destinée.

Note : Dans les déserts de sable comme le Sahara, on peut trouver de l’eau enrichie en sulfate de calcium. Au contact du sable chaud l’eau monte légèrement et s’évapore alors que le sulfate de calcium se cristallise sous le sable pour donner du gypse ; ce gypse se cristallise à son tour en agrégats qui forment les Rose des sables. Ce processus à l’échelle des temps géologiques représente plusieurs millénaires.

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