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mardi 10 août 2010

ROSE de LUMIERE - 3me Chapitre -

3me chapitre

(Suite et fin)


Les dernières prières s’égrenaient, Lucile les récitait machinalement avec tous les fidèles, tout en regardant cette fois la statue de la Sainte Vierge tout au-dessus de l’autel. La Sainte Marie portait sur son voile bleu une couronne de roses naturelles, vestige un peu défraichi de la Fête du couronnement de la Vierge qui avait été célébré en procession le Dimanche précédent.


Il n’y avait pas eu de communion des fidèles au cours de cette Grand-messe (la communion des fidèles avait lieu pendant la « petite messe » du matin) et quand le Prêtre se retourna pour « l’Ite Missa Est », Lucile et ses petites compagnes en rang discipliné se dirigèrent vers la sortie pour s’envoler enfin sur le parvis comme une volée de bergeronnettes tout en bavardant entre elles.


- Viens avec moi Albine, proposa Lucile, je dois passer à la Boulangerie chez Monsieur Juan pour acheter des bonbons et des friandises, je t’en ferais gouter, mais je ne pourrais m’attarder hélas, je dois rejoindre ma voiture très vite parce que mon cocher me l’a demandé et je ne veux en aucun cas le fâcher en le faisant attendre.


- Ah c’est dommage je voulais que tu viennes un moment chez moi nous aurions pu nous amuser un moment et cueillir des fleurs dans le jardin


- Eh bien je te le promets nous le ferons dimanche prochain, mais aujourd’hui c’est mon anniversaire et nous devons être rentré pour Midi.


Albine embrassa son amie


- « Bon anniversaire », Lucile ! Tiens voici un cadeau pour toi, dit-elle et elle sortit de son petit sac une petite médaille de la vierge en émail Bleu !


- Oh comme elle est belle ! Aides moi à la passer sur ma chaîne d’argent, Merci, Merci de tout mon cœur


Les friandises achetées elles en goutèrent un peu et se séparèrent très vite .Le cocher attendait à l’emplacement prévu.


- Je ne t’ai pas fait attendre, j’espère que tu es content Mohamed ?


- Oui c’est bien ! , je suis content, mais maintenant il faut y aller.


La voiture s’ébranla et le voyage du retour comme l’aller permit à Lucile de bavarder encore pour passer le temps ; Il faisait plus chaud qu’au matin et pour se protéger du soleil Mohammed avait relevé la capote avant de la calèche, mais cela ne la gênait pas pour admirer le paysage et le retour se passa plus vite qu’elle ne l’avait prévu. Bibi le vieux cheval pressé de retrouver son avoine et son écurie pressait son trot.



Dès qu’ils arrivèrent à la ferme Lucile demanda la permission à sa mère d’aller faire un petit tour dans le jardin.


- Oui tu peux y aller mais pas plus d’un quart d’heure, nos invités vont arriver et tu dois te trouver avec nous pour les accueillir. .Donne-moi ton petit sac, je vais le ranger et fais attention de ne pas abîmer tes chaussures dans le jardin, suis les allées et évite de t’approcher des fossés et rigoles d’arrosage, vas voir les grands rosiers et tu me diras en revenant si les roses sont bien écloses. Hier soir il y en avait quelques unes épanouies, les roses et les jaunes surtout, mais les rouges du grand rosier n’étaient tout juste encore qu’en boutons


Lucile s’échappa dans le Jardin pressée de recevoir le Message que lui avait annoncé dans son rêve la Déesse Flora et dont elle ne doutait pas un instant qu’elle tiendrait sa promesse.


Ce jardin pour Lucile était son « autre monde » un lieu secret et mystérieux qu’elle ressentait comme surnaturel quand elle s’y trouvait seule.


Elle se dirigea vers le rosier qui se trouvait en bordure au milieu du Côté Est du Jardin sous un grand acacia et s’assit pensive et contemplative, sur une grosse pierre qui se trouvait là et lui servait souvent de banc pour ses rêveries éveillées.


Le Rosier ne portait que des boutons non encore déclos et Lucile le regarda un moment quand soudain, comme en un rêve, dans sa rêverie et ses pensées, une magnifique rose rouge surnaturelle surgit du feuillage vert de l’acacia tout juste au-dessus du Rosier, dans une auréole de vibrations lumineuses, et lui délivra son message avec la voix de la Déesse Flora qu’elle avait entendu en rêve, tout en répandant un parfum délicieux :


« Je suis la Rose de Lumière, Écoutes bien Lucile, tu manque de sagesse, si tu n’appelle pas la sagesse de ta propre volonté pour la fixer dans ton cœur, et tes pensées, elle s’enfuira de toi et tout ce tu feras ensuite dans ta vie blessera ou te blessera »


- Ton caractère est trop vif et impatient attise tout tes désirs, seule la Sagesse te conduira sur le chemin de la tempérance qui est un bien précieux Voilà mon secret Lucile : la force est éphémère, la beauté est passagère, seule la sagesse est éternelle Le jour de ta naissance sept fées se sont penchées sur ton berceau, six d’entre elles t’ont données chacune un don bénéfique, ces dons se révèleront en toi au fils des années, mais la Fée Carabosse t’a jeté un sort maléfique pour se venger les autres Fées qui se moquaient de sa laideur et de sa méchanceté, alors moi en ce jour au nom de la Déesse Flora, dont la puissance est supérieure à toutes les autre Fées et en son nom , je suis chargée par elle d’effacer le sort maléfique de la méchante Carabosse et de le remplacer par une vertu , viens près de moi Lucile, respire mon parfum, tu seras purifiée et ensuite, dis- moi, parmi ces dons lequel serait le plus précieux pour toi : La Sagesse, la Force ou la Beauté, un seul d’entre ces dons te manque, c’est le seul qui m’a été confié pour te le restituer au nom de la déesse Flora, mais je ne pourrais te le rendre que si tu devine lequel d’entre ces dons te manque », telle est la sentence de la Déesse Flora .


- Rose de lumière, toutes les bonnes et belles choses de la vie me tentent et je les désire, mais je suis trop vive et je manque de sagesse dans mon impatience, je peux malgré moi blesser et me blesser, je t’en supplie de ma propre volonté, Rose lumière je veux la sagesse, peut m’importe la force et la beauté, je veux la Sagesse de ma propre volonté.


Lucile alors s’approcha de la Rose de Lumière et dans un souffle de ferveur répéta solennellement en se prosternant à genoux : Rose de Lumière de ma propre volonté, je veux la Sagesse !


- Je te la donne, accorda la Rose de Lumière, puis alors que Lucile se relevait pour la remercier, l’auréole de Lumière et la Rose disparurent dans un tourbillon de paillettes dorées légères et évanescentes qui s’évanouirent vers le ciel en l’espace d’une seconde.


Toute cette scène surnaturelle, dont nous pouvons penser qu’elle se passait dans les pensées de Lucile et non dans la réalité, n’avait pas duré plus de trois minutes.


Un sentiment doux et puissant envahissait maintenant l’âme, l’esprit et le corps de Lucile, et une grande sérénité pris place dans sa pensée et dans son cœur.



- J’ai 7 ans, aux dires de tous c’est l’âge de raison, je suis grande maintenant et ma promesse et ce don de la Rose m’évitera d’être impatiente et imprudente. Merci Déesse Flora, Merci Rose de Lumière, je vous promets de garder notre Secret à jamais



Puis posément elle quitta le jardin en le contournant à l’intérieur dans le sens des aiguilles d’une montre. Sur son chemin alors que la Rose de Lumière lui était apparue à l’ Est , elle trouva une fourmilière sur le côté Sud ; elle s’attarda un instant à regarder ces petites ouvrières qui inlassablement cheminaient en deux rangs parallèles les unes sortant de la fourmilière pour aller chercher de microscopiques débris d’aliment, d’herbes et poussières de bois, les autres revenant vers leur logis le dos chargés de leur butin précieux, elle fit encore quelques pas et tourna alors coté Ouest ou sous un grand chêne elle du sauter un petit ruisseau d’arrosage et remarqua à ses pieds au-dessus de l’eau courante un petit myosotis bleu au cœur rouge, minuscule, solitaire parmi des tiges d’avoine folle . Elle se souvient alors de la belle légende du Chevalier et du cri d’Adieu qu’il avait lancé à sa Belle Fiancée avant d’être emporté par les eaux, « Ne m’oubliez pas », elle resta un moment pensive et murmura « Non je ne t’oublierai jamais petit Myosotis », puis elle se dirigea vers la sortie et ramassa sur son parcours une tige sèche qui ressemblait à une baguette, elle continua d’avancer en s’amusant à remuer de petits graviers qui jonchaient le sol, mais au moment d’atteindre enfin la porte du jardin, elle remarqua sous des herbes au pied d’un jeune rosier, un serpent qui ondulait son corps et se dirigeait vers elle, interdite elle tendit la tige vers lui et lui dit « Sauves toi Serpent, disparait à jamais dans ton royaume, je n’ai pas peur de toi, sauves toi, vas-t-en, vas-t-en , vas-t-en à tout jamais !, le serpent disparut tout aussitôt dans la nature.


Elle s’éloigna alors à pas vif et atteignit à quelques 10 mètres de là, au milieu de l’allée la sortie du Jardin qu’elle franchit sans se retourner, pour rentrer dans la réalité du monde.



Déjà, sous les sept amandiers fleuris qui s’étalaient de part et d’autre de la sortie du jardin, le prolongeant quelque peu à l’extérieur, des tables longues en bois blanc et des tabourets avaient été disposés. Sur les tables juponnées de nappes blanches étaient offerts les gâteaux, les corbeilles de fruits de saison, les boissons, les jus de fruits et limonades pour les enfants et les cidres pour les grands et dans deux immenses coupelles en chaque bout de table se trouvaient des morceaux de glace pour rafraichir les bouteilles. Sur une petite table de côté se trouvaient déposés les cadeaux d’anniversaire. Tout autour des tables sa famille et les invités déjà se saluaient et parlaient joyeusement. Avant de les rejoindre pour commencer la célébration de son anniversaire elle s’arrêta un instant pour contempler cette scène heureuse, tous souriaient, la joie brillaient dans leurs yeux et tous en la voyant s’écrièrent « Bon Anniversaire Lucile ».


Lucile s’avança alors pour remercier et embrasser les invités, ses parents et ses frères. Une petite peine habitait son cœur, sa grand-mère Agathe, qui lui avait envoyé ses rubans de satins ciel et ses bracelets d’argent gravés de lierre, était absente, appelée au chevet de la fille d’une lointaine parente qui venait de mettre au monde un bébé et qui avait besoin d’aide pour les premiers jours.


Une fois les embrassades terminées et les cadeaux déballés sur la petite table, Lucile remercia et embrassa une nouvelle fois chacun pour son présent ; les adultes et les grands adolescents s’installèrent ensuite autour des tables et la délicieuse collation commença. Les conversations allaient bon train entre les adultes, ces messieurs parlaient de chasse, de récolte, de bétails, de progrès agricole, d’aménagement des routes et canaux d’arrosage, et des nouveaux tracteurs et matériels qui arriveraient certainement d’Amérique et d’Europe plus tard, à la fin de la guerre que tous souhaitaient proche, les dames entre elles parlaient toilettes, modes, naissances, recettes, éducation des enfants. Les enfants s’ébattaient et s’amusaient à leurs jeux préférés tout autour des tables et des amandiers et de temps en temps se présentaient à la table pour réclamer un petit pâté, une friandise, un gâteau ou une boisson .Sitôt restaurés , ils s’envolaient comme des oiseaux pour rejoindre leurs camarades en poussant des cris joyeux.



Au milieu de l’après midi alors que certains invités commençaient à prendre congé Lucile remarqua cheminant dans l’allée des Caroubiers, Aïcha la mère de Mohammed qui s’avançait d’un pas menu. Elle courut vers elle et en deux minutes fut à ses côtés :



- Bonjour Aïcha, comme je suis contente de te voir, tu sais aujourd’hui j’ai sept ans, viens, viens vite avec moi sous les amandiers, s’écria-t-elle en la tirant par la main, tu vas t’asseoir avec nous et manger des gâteaux et boire de la Limonade, c’est mon anniversaire !



- Oui je le sais ma petite, justement je venais te voir et regarde ce que j’ai porté pour toi, c’est mon cadeau !



- Et Aïcha écartant légèrement son voile blanc sorti de l’encolure de son corsage une Églantine qu’elle lui donna en se penchant pour l’embrasser sur la joue.



- Lucie toute joyeuse sentit son cœur battre de joie.



- Oh ! Je suis sûre que c’est la plus belle fleur de ton Ferblantier ! Merci, Merci Aïcha c’est mon plus beau cadeau du jour avec cette petite médaille bleu que m’a offert Albine, mais tu sais toi que j’aime les fleurs, Oh ! Merci ! Merci de tout mon cœur, je vais tout de suite la mettre dans un verre d’eau et la porter dans ma chambre. Vas vite rejoindre mes parents, ils sont toujours contents de te voir et Maman qui se doutait de ta venue a préparé pour toi une petite corbeille de gâteaux arabes qu’elle a fait acheter ce matin au marché par ton fils. Est-ce que je pourrai demain soir après l’Ecole venir m’assoir avec toi prés de ton kanoun pour te voir cuire tes makrouts et en manger un ou deux ?



- Mais bien sur ma « Zina » (jolie) si tes parents te donnent la permission tu pourras venir manger avec moi des makrouts et je te ferai voir un nouveau petit chat tout blanc et tout petit que mon fils m’a rapporté du village il y a trois jours , il est tout mignon avec des yeux verts, il parait que c’est une belle race, c’est un serviteur du marabout qui lui a donné. J’aime bien les chats, mais il faut s’en méfier, parfois ils ressemblent « à azrine » (au diable), mais ce petit là, il est tout petit et ne montre pas encore son caractère. Et puis aussi dans le Douar je t’emmènerai voir ma nièce Zohra avec ses enfants, elle a un bébé qui vient de naître et c’est ta mère qui a aidé à la naissance.



Aïcha et Lucile continuèrent à bavarder un moment, pendant que ses parents raccompagnaient jusqu’à leur voiture les invités qui se retiraient les uns après les autres, puis une fois qu’ils furent tous partis, Lucile laissant Aïcha avec ses parents sous les amandiers se retira dans sa chambre pour y porter son Eglantine.



Quand elle revint la fête était terminée et le soir s’annonçait déjà grisant le ciel bleu et le cloutant de l’or des premières étoiles dont l’Etoile de Vénus qui brillait de tout son éclat.



Lucile tout au long de sa vie se souvint de l’anniversaire de ses sept ans, du merveilleux secret de la Rose qu’elle ne dévoila jamais à personne comme elle l’avait promis à la Déesse Flora et le miracle fût que d’année en année elle devint de plus en plus sage et douce et ce qui ne gâte rien, belle comme une rose aux dires de ceux qui l’aimaient. Mais comme on ne peut être aimée de tout le monde, il est certain que d’autres l'ont trouvée pas trop sage , trop vive , emportée et même laide.



En conclusion, il vaut mieux être sage que belle, la sagesse ne provoque pas la jalousie, mais la beauté oui, et à tel point que Lucile bien souvent en fut victime dans sa jeunesse de la part même d'amies très proches et qu'elle en souffrit longtemps comme d'autant d'épines plantées dans son coeur