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dimanche 21 décembre 2008

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mardi 16 décembre 2008

Suivre le Chemin de Vie

Comme les Rois Mages suivons le Chemin de de la Foi, de l'espérance et de la charité pour rencontrer Jésus et l'accueillir dans notre Vie, il est vivant sur la terre comme au ciel

lundi 8 décembre 2008

Le Mariage d'Orghillia

Souvenir écrit le mercredi 8 Février 2006

(lucienne magali Pons)


Sujet : En 1946 en Algérie, ORGHILLIA, une petite fille de 12 ans, ma compagne de jeux à la Ferme des Eucalyptus pendant les vacances, vient m’annoncer son prochain mariage avec un Touareg propriétaire de dattiers dans le Sahara, de trente ans son aîné et qu’elle n’a jamais vu. Elle voudrait s’enfuir. Toutes deux nous essayons de trouver le moyen de la faire s’échapper à ce triste sort, hélas nous échouons et ORGHILLIA toute voilée de bleu partira vers le SAHARA ou le mariage sera célébré.

LE MARIAGE D’ORGHILLIA

Vers les années 1944 une femme habillée en touareg portant voile bleu, le visage découvert, très fin à la peau brune, accompagnée d’une petite de dix ans environ, s’était présentée à la Ferme des Eucalyptus pour demander du travail à mes Parents. Il était très rare de voir en Algérie du Nord des touaregs, sinon lorsqu’ils venaient caravane avec leurs chameaux chargés de dattes du Sahara pour les commercialiser sur les marchés et repartir en suite avec des produits d’alimentation, farines, couscous, etc. Aussi l’arrivée d’Orghillia et de sa mère était un évènement inhabituel dont je ne connais pas encore à ce jour le motif que je ne connaîtrais jamais. Mes parents ont certainement dû savoir ce qu’il en était réellement, mais discrets, ils prenaient leurs décisions sans expliquer aux enfants le "pourquoi et le comment" lorsque qu’il s’agissait d’affaires qui ne nous concernaient pas.

Toujours est-il que la maman d’Orghillia fût engagée à la Ferme, installée dans une petite maison qui se trouvait dans un petit bois d’Eucalyptus, à une trentaine de mètres des bâtiments, en bordure d’une allée qui conduisait à la route vicinale qui menait vers le Douar. Mon père lui avait donné pour mission de garder un champ de luzerne de deux ou trois hectares et de lui signaler le passage des troupeaux de mouton qui passaient sur la route vicinale pour rejoindre le Marché de Maison-Carrée et y être vendus. Il était fréquent que leurs bergers s’arrêtent au bord de ce champ pour casser la galette et pendant cette pause mon père acceptait qu’ils fassent brouter leurs moutons sur le côté du champ, mais sans l’envahir, et il permettait aussi que les moutons s’abreuvent dans le grand fossé d’arrosage et parfois même, si les troupeaux venaient de loin, qu’ils s’abritent pour une nuit sous un grand hangar qui se trouvait bâti à proximité de la cour de la ferme, à droite du bassin de retenue des eaux d’arrosage (une sorte de petit barrage dans lequel se déversait presque continuellement l’eau fraiche du puits puisée par une pompe à essence, qui avait remplacé la noria traditionnelle). En principe les bergers surveillaient bien leurs moutons, et ainsi la maman d’Orghillia pouvait vaquer tout tranquillement à ses occupations.

Ma mère lui rendait souvent visite et elles se faisaient entre-elles des petits cadeaux, ma mère lui portait du fil, des aiguilles, des petits objets ménagers etc. … et en retour elle recevait quelques makrouts aux dattes ou d’autres petites spécialités telle que cornes de gazelle ou encore zalabias.

Quand à moi, les jeudis et pendant les périodes vacances je m’amusais bien volontiers avec Orguillia une ou deux heures par jour, le reste du temps je m’occupais à faire mes devoirs, à aller au catéchisme, à lire et à m’amuser avec mes frères, mais à ce moment là Orghillia suivant les consignes de sa mère ne participait pas à nos jeux, elle n’avait pas le droit de s’amuser avec les garçons.

Orguillia était très fine de visage, avec de grands yeux de gazelle, brillants, vert noisette aux reflets dorés, étirés vers les tempes, et depuis qu’elle était à la ferme, sa mère la coiffait à la mode algérienne de ce temps, c’est à dire en tirant ses cheveux noirs bleutés sur la nuque pour les former en une longue queue, recouverte de ruban, qui pendait toute raide presqu’à sa taille. Je la trouvais très jolie, nous nous amusions à sauter à la corde, à la balle, à la poupée, et peu à peu par geste, et en habituant Orghillia à parler français, nous arrivions très bien à nous comprendre et un jour Orghillia s’exprima tout a fait suffisamment en français pour que nous nous comprenions au mieux.

Or le temps passait et nous grandissions toutes deux sans trop nous en apercevoir et un jour, pendant les vacances de Pâques, alors que je me trouvais tout en haut du mimosa des quatre saisons devant notre maison, installée sur une branche providentielle qui avait une forme adaptée à une position confortable, où je passais de bonnes heures à lire mes livres préférés, j’entendis Orghillia m’appelant de dessous l’arbre et me faisant signe de descendre.

J’obtempérais immédiatement pensant qu’elle voulait s’amuser un moment avec moi. Mais d’un air très préoccupé Orghillia saisit ma main et m’entraîna pour m’asseoir à ses côtés sur un grand tronc d’eucalyptus qui se trouvait couché au sol et qui servait de banc tout près du puits.

Elle m’annonça d’emblée la nouvelle étonnante : ... écoute, Lucia, ma mère va me marier et dans quinze jours une caravane du Sahara viendra me chercher et je ne te verrais plus.

Cette nouvelle surprenante me sidéra :

- Comment tu n’a pas encore treize ans et ta mère veux te marier ?

- Oui c’est comme ça..

- Tu connais ton fiancé ?

- Non, je ne l’ai jamais vu ! C’est mon oncle du Sahara qui a tout arrangé et le facteur a porté la lettre à ton père qui l’a lu à ma mère, et elle est d’accord. C’est ton père qui a « écrit sur un papier" ce que voulait ma mère et le facteur l’a emporté.

Je me sentir saisir d’une surprise extrême. Comment mon père avait-il pu aider un tel projet en écrivant la lettre, alors qu’Orghillia était à peu près du même âge que le mien ? Une sorte d’inquiétude s’installa dans mon cœur.

- Comment peux-tu accepter de te marier sans connaître ton fiancé ?

- C’est comme ça chez nous, et je le verrai pour la première fois le soir du mariage.

J’allais de surprise en surprise :

- Et s’il était laid ? Ou méchant, ou bien .... etc.... etc. … (J’imaginais le pire), qu’est-ce que tu feras ma pauvre Orghillia ?

- Je ne sais pas, je ne pourrai pas me sauver dans le désert, je pourrais mourir de soir, de faim, mais ma mère m’a dit qu’il était riche, il possède des dattiers dans des oasis au Sahara et il a des chameaux, il habite dans la plus grande tente, c’est le chef des autres ...

- Comment ? Comment ? ... le chef des autres ? Il a quel âge ...

Je ne sais pas, mais ma mère m’a dit qu’il avait à peu près son âge à elle, qu’il était veuf et père d’une fille et d’un garçon.. Voilà c’est comme ça ! Mais moi, je ne veux pas me marier, j’ai peur.

Je me sentis cette fois toute indignée. Un vieux de quarante ans, veuf avec des enfants !

- Ce n’est pas possible, tu ne peux pas accepter, tu dois refuser !

Pour moi qui lisait avec curiosité, pour me distraire, entre deux volumes de Victor Hugo ou d’autres auteurs sérieux , des histoires à l’eau de rose écrite par Delly où l’on pouvait voir des héroïnes courtisées et ensuite aimées "d’amour" par des lords ou des princes , jeunes, beaux et riches, qui les adoraient pour l’éternité (romans que me passait en douce une des mes camarades de classe et qui me délassaient de la lecture des Misérables de Victor HUGO et autres œuvres d’auteurs célèbres au programme de la 6me,( tel qu’Homère), je me sentis toute indignée et lui déclarais avec énergie :

- Tu ne te marieras pas avec un vieux, tu es trop jeune aussi bien pour lui que pour un jeune, tu dois refuser, tu entends ? Plus tard tu rencontreras, j’en suis sure ton « vrai fiancé », tu dois refuser, dire non à ta mère, et d’ailleurs moi je vais aller voir mon père et ma mère et je vais leur dire que tu ne partiras pas d’ici pour aller te marier avec cet homme , tu es trop jeune, tu ne l’as jamais vu, tu ne te marieras pas je te le garantis !

Orghillia effrayée de ma subite intention, me fit comprendre que rien n’y ferait et qu’il valait mieux que je n’en parle pas à mes parents car si sa mère l’apprenait elle pourrait la punir d’avoir fait "des histoires".

Je me calmais peu à peu, cherchant une autre solution, mais soudain Orghillia me dit qu’elle avait une idée. Elle m’expliqua que si je voulais bien l’aider, elle se sauverait pour aller travailler comme aide ménagère dans la ville. Orghuilla n’avait vu la ville que deux fois dans sa vie ; en effet mon père m’emmenait parfois au grand Marché de Maison-Carrée et par deux fois j’avais insisté pour qu’Orghillia vienne avec nous.

- Il suffirait que tu me prête un peu d’argent pour prendre le car au Hameau des Eucalyptus.

Je réfléchis un moment, j’avais un peu d’argent de poche, le problème n’était pas là ; je la questionnais :

- Comment vas-tu faire pour trouver du travail ?

- Je ferais comme ma mère quand elle est venue ici, quand je serai dans la ville je demanderai au gens du travail ........

- Tu crois ? Tu crois que tu en trouveras ?

Orghillia me répondit d’un air désespéré :

- Il faut que je me sauve...tout de suite, tout de suite !

- Tout de suite, tu es sûre de vouloir partir ?

- Oui maintenant.

- Bon d’accord, je vais chercher l’argent dans ma chambre, attends moi à l’entrée de l’allée.

Je revins au bout d’un moment. la maison était grande, ma mère affairée ne m’avait vu ni entrer ni sortir ; j’avais pris le temps de faire une virée dans la cuisine pour prendre un morceau de pain, un ou deux fruits, et de l’eau dans une bouteille thermos, pour le voyage d’Orghillia.

Je traversais vivement le jardin et à la suite une sorte de grande place arrondie recouverte de graviers, qui se trouvait entre la maison et le début de l’allée, pour rejoindre au plus vite Orghillia, et nous nous engageâmes toutes deux sans réfléchir sur l’allée romaine bordée d’oliviers qui menait à la route nationale. Cette allée d’environ huit cent mètres, se terminait par deux grands palmiers de chaque coté et donnait accès à la route départementale.

Arrivées là, Orghillia me demanda de l’accompagner jusqu’au Hameau des Eucalyptus ou le car s’arrêtait et chargeait les voyageurs pour Maison-Carrée. Cela faisait à peu près deux bons kilomètres à parcourir. Je n’osais pas refuser pour ne pas la peiner, mais je savais parfaitement que je désobéissais en allant sans être accompagnée par un adulte sur la route départementale. Mes parents nous l’interdisaient formellement. J’enfreignais donc cette interdiction et désobéissais la mort dans l’âme, persuadée qu’il fallait sauver Orghillia.

Nous avions fait à peu près un kilomètre et venions de dépasser l’entrée de la ferme de nos voisins, la route départementale bordée de très haut Eucalyptus, allait sous le ciel bleu, comme un large ruban gris tout droit devant nous jusqu’au Hameau dans le lointain, quand soudain j’aperçus à l’horizon fonçant dans notre direction trois motos side-car qui ne tardèrent pas à se trouver à notre hauteur.

L’une des motos s’arrêta, un gendarme en descendit fit signe à ses collègues de stopper au bord de la route et de l’attendre, puis il s’avança vers nous. C’était mon oncle qui appartenait à la Brigade de gendarmerie de Maison-Carrée qui se trouvait devant moi ! Je crus que la foudre venait de tomber à mes pieds.

Ou vas-tu comme ça ? Ou allez-vous toutes les deux toutes seules... qu’est-ce que tu fais sur la route ?

Sous le feu de ses questions je n’en menais pas large...mais prenant un air naturel et innocent j’eus une réponse toute simple :

On se promène......comme d’habitude.

Comme d’habitude ?...Sur la route ?... tu sais bien que c’est dangereux, vous auriez pu être attaquées par des bandits. Allez, venez, montez dans le side-car je vais vous reconduire à la Ferme.

Aussitôt dit, aussitôt fait nous fûmes reconduites "manu militari" en un quart d’heure devant la maison. Il n’y avait pas à discuter.

En arrivant, nous trouvâmes ma mère en train d’examiner l’horizon à notre recherche et qui fût toute surprise de nous voir débarquer du side-car de son frère.

Elles étaient sur la route nationale, se promenant soi-disant comme d’habitude, informa mon oncle.

Comme d’habitude ? J’en parlerai à son père, on réglera ça à son retour. Toi Orghillia va chez toi, ta mère doit s’inquiéter, je lui en parlerai aussi.

Je compris que ma mère ne voulait pas régler le problème devant mon oncle, elle l’invita à déjeuner, mais il était en mission et regretta de ne pouvoir rester.

Orghillia s’était enfuie en courant vers sa maison. C’est la dernière fois que je l’ai vu. En effet sa mère ne la laissa plus sortir dehors elle était maintenant promises en mariage et n’était plus considérée comme une enfant, elle devait se plier aux coutumes, et quand j’allais tourner autour de sa petite maison, sa mère me faisait comprendre que je devais retourner chez moi « vas t’en , c’est pas la peine de venir voir Orghillia, ta mère a dit que tu dois pas venir lui donner des mauvaises idées »

Quelques semaines après les femmes du douar un beau matin se rassemblèrent chez la mère de la promise. Dans la matinée arriva une caravane de touaregs avec leurs chameaux. Ils ne restèrent pas longtemps à la ferme. En début d’après-midi, je vis sortir de la maison un homme qui tenait dans ses bras une forme entièrement recouverte d’un voile bleu. Je devinais que c’était Orghillia qui partait pour ses noces au Sahara. L’homme, probablement son oncle, la chargea sur un chameau, et la caravane s’ébranla accompagnée des youyous stridents des femmes du Douar. Je me sentis impuissante et mon cœur se serra.

Sa mère était du voyage. Je ne les ai jamais revu, ni l’une ni l’autre, et trois années passèrent, sans aucune nouvelle. Mais un jour le facteur porta une lettre à la ferme, ma mère l’ouvrit. et la parcourue rapidement :

« Orghillia vient de donner naissance à un petit garçon, elle doit avoir seize ans maintenant, c’est bien jeune pour avoir un enfant, mais c’est ainsi chez eux, ce sont leurs traditions et coutumes, nous ne pouvons pas leur imposer les nôtres » « et je le regrette bien ! », ajouta-t-elle.

Je n’avais rien à dire ni à répondre. Orghillia venait d’avoir un bébé ; je commençais moi-même à devenir une vraie jeune fille, mais je ne m’imaginais pas alors que quelques trois ans plus tard je me marierais moi aussi, mais bien entendu à la mode de chez nous, c’est-à-dire en acceptant moi-même mon futur époux.