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lundi 9 août 2010

ROSE de LUMIERE - 2me Chapitre -


ROSE DE LUMIERE

2me chapitre ( suite )

C’était le moment pour Mohammed de faire ses recommandations :


- Nous voilà arrivés, tes camarades sont déjà devant l’Eglise, je vais te laisser là et tu pourras les rejoindre, ensuite j’irai garer la voiture dans la petite rue derrière la Boulangerie et je donnerai un peu d’avoine au cheval, pendant qu’il mangera tranquillement attaché au poteau, je porterai directement la corbeille de fruits et légumes chez Monsieur le Curé, ensuite j’irai faire les commissions pour ta maman la « Moulchia » (la Patronne) et acheter des cigarettes pour le Moulchi ( le Patron) et à la fin de la Messe tu me trouveras ici. Ne bouge pas, je vais t’aider à descendre.


Sitôt dit, sitôt fait, Mohammed descendit prestement de la calèche et la contournant vers l’arrière revint à l’avant sur la gauche, pour saisir Lucile comme une plume et la déposer dans un tourbillon de mousseline blanche et de ruban bleu sur la Place de l’Eglise, comme un paquet cadeau !


Lucile rectifia les plis vaporeux de sa jupe et s’éloigna pour rejoindre ses camarades qui se tenaient au bas du Parvis et lui faisaient des signes de bienvenue, elle s’appliquait à marcher bien droite comme sa maman le lui avait recommandé, quand elle entendit des pas précipités derrière elle. C’était Mohamed qui lui portait en courant la gerbe de fleurs.


- Voilà les fleurs pour Mademoiselle Gentille de la part de ta maman, Bon ! Tu as bien compris sitôt après la messe je te retrouverai en bas de l’Allée.


Lucile impatiente de retrouver ses camarades s’irrita avec impertinence les joues subitement en feux et les yeux pleins d’éclairs d’orage :


- Non pas tout de suite après la Messe, j’aurai besoin de 10 minutes pour aller choisir mes friandises, c’est toi qui m’attendras, tu entends tu m’attendras, je n’ai pas à me presser pour personne, donc tu m’attendras !


Il arrivait parfois à la petite Lucile de prendre un ton sans réplique et elle avait justement accentué impérativement ces mots « donc, tu m’attendras » et elle s’aperçut tout aussitôt en voyant Mohammed vexé froncer ses sourcils sans mot dire, en serrant sa mâchoires, qu’elle venait de commettre une impertinence en oubliant la recommandation que ses parents faisaient quand à la façon pour les enfants de s’adresser aux adultes qui travaillaient chez eux : « surtout n’oubliez pas qu’ils travaillent pour la ferme et qu’ils ne sont pas à votre service ; vous n’avez aucun ordre à leur donner et au contraire référez vous à eux si nous ne sommes pas là pour demander une permission ou autre chose dont vous pourriez avoir besoin, et le tout sans faire de caprices et avec politesse »


Lucile pencha sur sa poitrine un visage aux joues rouges cette fois de confusion :


- Écoute-moi Mohammed, je ne voulais pas te commander, simplement te dire que je voulais aller acheter des friandises après la Messe, si tu en es d’accord, prononça-t-elle d’une voix calme et claire malgré son trouble.



Puis elle leva la tête et regardant Mohammed en face elle attendit sa réponse :



- C’est d’accord 10 à 15 minutes, pas plus d’un quart d’heure, nous devons arriver à la ferme avant votre repas de Midi et tu sais que ton père veut toujours que nous arrivions à l’heure.


- Je ferai comme tu dis, Mohammed 10 à 15 minutes pas plus


Mais en même temps elle se dit en elle-même : je ne me suis pas excusée, j’ai dit « je ferai comme tu dis », et je n’ai pas dit non plus « j’obéirai je te le promets », comme le voudraient mes parents, mais pour ce jour bien sur je l’écouterai et ne prendrai que 10 minutes, et tout en pensant à cela elle se disait aussi qu’elle avait commis une faute et qu’elle devrait en parler en confession le jeudi prochain à Monsieur le Curé. Cela lui vaudrait en pénitence peut-être une série de cinq Pater ou Ave à réciter, mais cette éventualité lui parut peu pénible et tout aussitôt elle se dit avec un relent de mauvais caractère, « si je l’écoutais sans répondre, il me ferait marcher au pas de course après la messe pour monter dans la calèche, lui il n’a que ça à faire, c’est son travail, comme il dit, mais pour moi c’est « mon dimanche » et en plus aujourd’hui mon anniversaire , je lui ai répondu donc, mais bien sur trop vivement »


Lucile comme nous pouvons le voir avait de bons et de mauvais côtés comme tout les enfants, elle était sociable, aimait étudier et recevoir l’enseignement des adultes, et tout son cœur était tourné dans l’admiration de la nature, mais elle ne supportait aucune réflexion de son cocher qui avait été aussi son gardien dans sa toute petite enfance et qui autrefois lui passait tout, alors qu’au fur et à mesure qu’elle grandissait, devenait de plus en plus distant, ferme et sévère avec elle. Il ne m’aime plus, autrefois je l’aimais presque autant que mes parents et encore aujourd’hui je l’aime presque autant, mais s’il continue à me donner des ordres je crois que je ne l’aimerai plus du tout rageât-elle en elle même.



Toute cette réflexion intérieure lui avait pris quelques minutes et ses petites camarades les plus proches s’étaient avancées vers elle en sautillant :


- Bonjour Lucile, viens pressons nous, la Messe va commencer, il faut rejoindre le rang devant le parvis.


Elles pressèrent le pas s’avançant vivement dans l’allée centrale pour rejoindre le porche alors que les fidèles se trouvaient déjà dans l’Eglise et que les enfants du catéchisme se formaient en rang sur le parvis pour y pénétrer, les plus petits devant et les plus âgés derrière en longue file.


Enfin elles y arrivèrent, Lucile fit une petite révérence à Mademoiselle Gentille en lui offrant la gerbe de roses, de la part de sa maman, tout en lui souhaitant bonne Fête. Mademoiselle Gentille alignait les garçons à droite et les filles à gauche des marches de l’Eglise et le capucin pressé de fermer les deux grandes portes de l’Eglise leur faisait signe de se presser. A l’intérieur de l’Eglise, en attendant que Monsieur le Curé et ses enfants de chœur arrivent devant l’hôtel pour commencer l’Office, La Directrice de l’école, Mademoiselle Brochard, une excellente musicienne et chanteuse et qui de plus dirigeait la Chorale de l’Eglise jouait de l’orgue à la galerie supérieure, une musique douce et aérienne, qui semblait venir du ciel transportés par les Anges. Les enfants se placèrent dans les premiers rangs qui leur étaient réservés.


Mademoiselle Gentille impressionnant dans son allure sévère, était placée à droite du premier banc des filles , assise droite comme un « i » dans son tailleur bleu marine à longue jupe , avec son béret basque noir posé bien droit sur ses cheveux gris, coupés tout droit en carré autour de tête et son chapelet en perles violettes transparentes et chaînettes et croix d’argent, pendu à ses mains jointes.


L’orgue se tut, la Messe commençait, le prêtre au pied de l’autel et les enfants de cœur, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche et un autre derrière lui, firent le signe de croix ainsi que toute l’assistance. Tous les enfants s’agenouillèrent regardant attentivement l’Autel puis posèrent leurs mains jointes sur la tablette qui surmontait le banc en récitant intérieurement « Je m’approcherai de l’autel de Dieu, du Dieu qui réjouis ma jeunesse », puis ils ouvrirent leur missel pour lire en silence le Psaume 42 qui figurait dans missel, traduite en Français sur la colonne droite en face du texte en latin de la colonne gauche, puis le Prête dit le confiteor en latin et toute l’assistance répondit à voix haute la prière « Je me confesse à Dieu tout puissant …… » Pendant cette prière il fallait à un certain moment dire « C’est ma faute, c’est ma faute, c’est ma très grande faute », et comme leur avait appris Mademoiselle Gentille qui les surveillait du coin de l’œil, en se retournant de temps en temps, aucun d’entre eux ne manqua, en prononçant ces mots, de poser la main droite sur leur cœur par trois fois avec un vague sentiment de culpabilité ; à la fin de cette prière le Prêtre se tourna vers l’assistance les bras étendu et pria pour les fidèles , en déclarant une première fois en latin et une deuxième fois en français « Que Dieu tout puissant vous fasse miséricorde et que vous ayant pardonné vos péchés, il vous conduise à la Vie Eternelle. Ainsi soit-il. »


Lucile qui n’avait pas la conscience tranquille en raison de son attitude orgueilleuse du matin envers Mohammed, tout juste avant la messe, et de la conclusion intérieure qu’elle en avait tirée se senti soudain soulagée. Bon, pensa-t-elle, c’est sur j’ai péché et j’ai été orgueilleuse et j’ai eu de mauvaises pensées, mais je viens de réciter le « Je me confesse » et le Prêtre a demandé à Dieu de nous pardonner nos péchés, donc je suis sure qu’il sera entendu, parce que Monsieur le Curé est aussi grand qu’un Saint et que le Bon Dieu l’aime tant qu’il l’exaucera et que je serai pardonnée. Et pour consolider ses pensées tout en se levant, s’agenouillant, s’asseyant en même temps que ses compagnes pour suivre l’office, elle perdit le cours de la messe pour réciter en elle-même dix « Je vous salue Marie » en lui demandant à la fin de chaque prière « priez pour nous pauvres pêcheurs maintenant et à l’heure de notre mort, ainsi soi-t-il ». Ainsi ce sera fait avant ma confession, pensait-elle, il vaut mieux que je débarrasse de cette punition à l’avance.

Lucile, comme on le voit, ne se gênait pas pour régler ses petits péchés à sa façon et au mieux de ses convenances, mais pendant ce temps la Messe se poursuivait à son rythme et elle s’aperçut qu’elle avait raté l’Introït, l’Epitre et l’Oraison et elle du se pencher vers sa compagne pour retrouver la bonne page du Missel avant l'évangile.


L’assistance à ce moment là se leva et elle fit comme tous les fidèles un petit signe de croix sur son front, ses lèvres et sa poitrine, pendant que le Prêtre prononçait la prière de Purification avant de prêcher l’Evangile. Le prête prêcha pendant un bon quart d’heure, mais Lucile écoutait plus sa voix que les mots et le sens de l’Evangile, elle était un peu remuée par toutes ses prières intérieures et se demandait maintenant si elle devrait en plus se confesser le jeudi prochain pour effacer totalement ses péchés qu’elle grossissait au fur et à mesure que la Messe se déroulait.


Elle en avait de nouveau perdu le fil et contemplait les statues des Saints et des Saintes qui ornaient l’Eglise, sur sa gauche elle arrêta son regard sur la statue de Sainte Thérèse qui tenait des roses rouges sur son cœur en levant ses yeux suppliants au ciel. Ah se dit-elle, Sainte Thérèse effeuillait les roses et envoyait les pétales à Notre Seigneur Jésus Christ et maintenant figée en statue elle ne peut plus le faire de cette terre qu’elle a quittée, au Paradis il y a sûrement des roses et sans doute en offre-t-elle au Bon Dieu, au petit Jésus et à la Sainte Vierge.


La Chorale entonnait le « Tantum Ergum » accompagné à l’orgue par Mademoiselle Brochard. Les sons harmonieux la ramenèrent à l’Office de la messe et elle chanta le dernier couplet avec tous les fidèles. Elle se souvenait que c’était l’un des chants religieux préféré de sa grand-mère Agathe et regretta qu’elle fût loin d’elle. Puis vint le temps de la quête, elle fouilla dans son petit sac et avec un joli sourire déposa une piécette dorée dans la corbeille en estimant que la valeur de ce que l’on donne ne suffit pas et qu’il faut donner selon ses moyens avec bon cœur et sans regret, c’est le geste qui compte pour ceux qui comme moi n’ont que leur argent de poche regrettant de n’en pouvoir donner plus.


(à suivre )



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